Durabilité
La Stratégie énergétique 2050 prévoit la sortie du nucléaire et le renoncement aux énergies fossiles, ce qui constitue deux défis majeurs ayant des impacts directs dans le secteur de la construction.
L’empreinte gaz à effet de serre en Suisse se montait à environ 14 tonnes d’équivalents CO2 par personne en 2015, alors que le seuil supportable pour la planète se situerait à 0,6 tonne.
L’empreinte matérielle s’établissait à environ 17 tonnes par personne en 2019 pour l’ensemble des biens et des services helvétiques, elle devrait idéalement plafonner entre 5 et 8 tonnes.
Le Smart Living Lab à Fribourg et le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (EMPA) avec son nouveau site NEST à Dübendorf sont les deux centres de compétence consacrés à la construction durable étudiant les matériaux et les nouvelles technologies. L’habitat bioclimatique, le réemploi structurel, l’alliance de matériaux comme le bois et le béton recyclé sont à l’étude actuellement.
Or, les recherches menées dans les milieux académiques sont mal connues des professionnels de la construction, des entreprises comme des bureaux de planification. La matériauthèque devient un outil pour diffuser l’état des connaissances de la recherche vers l’économie et inversement.
Matilda relaie les initiatives locales qui peinent à émerger, menant vers de nouvelles voies plus respectueuses de l’environnement et plus sobres en énergie.
Sobriété
Pour présenter une faible empreinte environnementale, il faudrait sortir d’une pensée à court terme, passer d’une économie linéaire épuisant les ressources vers une économie circulaire, valorisant les rebuts de la société. Les déchets deviennent alors une précieuse ressource pour alimenter les chantiers. Réemployer, réutiliser ou recycler sont pour beaucoup des notions floues et peu développées dans la pratique. Affecter un matériau déjà employé à une fonction similaire ou nouvelle, transformer la matière qu’il contient en un produit différent est un acte de bon sens pratiqué durant des millénaires, et perdu récemment par une société poussée à la consommation. Or, l’économie circulaire s’avère à la fois plus écologique et plus économique, elle génère des circuits courts et elle crée des emplois.
Pratiquer la sobriété signifie agir à différentes échelles et dans des domaines parfois éloignés : se détourner de l’individualisme pour le collectif, densifier les zones bâties et conserver les terres arables, limiter l’empreinte matérielle des constructions neuves, proposer une architecture bioclimatique et profiter des apports de chaleur passifs ; c’est abaisser les besoins en énergie en phase d’exploitation et sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment, basculer vers des énergies renouvelables, si possible en autoconsommation; c’est aussi démolir moins et réhabiliter, préférer des mises en oeuvre simples et résilientes, user avec prudence de la technicité, favoriser les matériaux de qualité, réfléchir en termes de flexibilité, et enfin, anticiper la déconstruction qui fournira les matériaux secondaires de demain. La liste non exhaustive donne un aperçu des grands chantiers à mener.
« Il n’y a pas de bon ou de mauvais matériau à priori, il y a des matériaux de construction avec des caractéristiques techniques, sanitaires et environnementales qui doivent être évaluées objectivement. Il est nécessaire d’avoir une vision globale et multicritère.»
François Maupetit
Proximité
D’où viennent les matériaux avec lesquels nous construisons? Combien de kilomètres ont-ils parcourus? Quels processus industriels ont-ils subis? Ont-ils une longue durée de vie? Sont-ils faciles à recycler? Ces questions semblent glisser de plus en plus au coeur des préoccupations. La situation inédite issue de la pandémie a entraîné une hausse sans précédent des prix des matières premières, impactant un grand nombre d’entreprises qui doivent assumer les surcoûts. Cela concerne la majorité des matériaux dont le bois et ses dérivés, l’acier, le cuivre, le verre, le caoutchouc, les peintures, les produits dérivés du pétrole dont les isolants, les résines, etc., avec en corollaire des délais de livraison qui s’allongent. Dans un contexte mondial chahuté, il y a fort à parier que beaucoup d’acteurs se tourneront demain vers des disponibilités plus locales.
Les matériaux produits en Suisse depuis des décennies sont des alliés sûrs, la brique, le verre, l’aluminium ou le béton, pour n’en citer que quelques-uns. De nouvelles pousses voient cependant le jour, susceptible de renverser les équilibres actuels dans la préséance entre matériaux. La terre crue, malaimée depuis plus d’un siècle, est proposée sous la forme de briques par Terrabloc à Allaman (VD), valorisant les gravats de chantier. À Carouge (GE), Cleancrete, un béton de terre utilisant des boues de lavage et de la terre excavée développe un procédé expérimental. À Ecublens (VD) les laboratoires des matériaux de construction à l’EPFL ont mis au point un ciment expérimental, le LC3, diminuant l’impact du béton. À Fribourg (FR), des bras robotisés s’activent chez Mobbot pour réaliser une impression 3D en béton projeté. À Marin-Epagnier (NE), Solaxess combine films nanos et cellules photovoltaïques pour habiller de panneaux clairs les façades. À Chavannes-sur-Moudon (VD), Pittet artisans développe des solutions à base de chanvre. Plus généralement, les matériaux biosourcés, renouvelables, qui stockent du dioxyde de carbone durant leur croissance, devraient rapidement sortir de leur position marginale pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments.